Si FRANCO avait cédé à HITLER en 1940…

…UN  BOULEVERSEMENT DE LA PLANIFICATION STRATEGIQUE GLOBALE

       Il est de la compétence des hauts  Etats-Majors  de planifier l’action des Forces Armées en menant la réflexion nécessaire pour  se positionner en vue de gagner la bataille envisagée. Sans entrer dans les détails de l’art militaire, il tombe sous le sens que dans la perspective du conflit qui devait, en Occident, opposer les  Etats Unis et ses alliés à l’Allemagne  nazie, la planification stratégique a du tenir compte des éventuels renforts  que l’ennemi pouvait  trouver dans le ralliement de pays non encore impliqués  dans le conflit.

   Il était donc d’une importance quelque peu déterminante  pour le Haut  Etat- Major  Allié de prévoir l’attitude de  l’Espagne,  et même du Portugal, et de planifier ses opérations en tenant compte de ces  données.

  On peut donc penser que le déroulement de la guerre, et  partant   son issue,  a pu se jouer lors de l’entrevue du Général  FRANCO et  de HITLER  à Hendaye,  le 23 octobre 1940.

1941 - Hitler and Franco

 Tablant sur la reconnaissance  du Caudillo  pour le soutien conséquent que l’Allemagne avait apporté aux nationalistes  espagnols ,  tant en  hommes et instructeurs , qu’en avions de combat (Légion Condor)  et blindés,  le Führer a pu  penser que le Général FRANCO rejoindrait les Forces de l’Axe.

  Le Caudillo, dont le pays sortait exsangue d’une guerre civile qui avait compté un million de morts et le laissait  ruiné, opta pour la  politique de l’esquive. Ainsi,  au cours de l’entrevue,  après avoir laissé patiemment HITLER  s’exprimer avec sa logorrhée habituelle et son attitude  théâtrale , qu’il  n’appréciait guère, c’est  avec «  une voix monocorde, rappelant celle d’un muezzin » dit Paul Smith, qu’ il réclama pour son entrée en guerre : un ravitaillement conséquent, un  équipement moderne pour son armée forte de 300.000 hommes, et le rattachement à L’Espagne  de  Gibraltar, de  la majeure partie du Maroc français, du littoral Algérien jusqu’ à Oran comprise et un agrandissement  des colonies espagnoles en Afrique Noire.

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  Les historiens s’accordent à dire que  le Caudillo, peu tenté  par une participation de l’Espagne au « Plan Félix », opération  destinée à fermer la Méditerranée  aux anglais par une prise de contrôle de Gibraltar et du littoral marocain, prévenant ainsi  toute  intervention en Afrique du Nord,  exprima des exigences exorbitantes  irritant  fort le Führer qui cependant  tenta une dernière manœuvre,  infructueuse ,  par  la voie de MUSSOLINI ,au cours d’une rencontre qui se tint en Italie entre le DUCE et le CAUDILLO le 12 février 1941.

  C’ est  au retour de cette entrevue  qu’eut lieu la rencontre de FRANCO et de PETAIN à Montpellier , le 13 février 1941, les deux Chefs d’Etat s’étant connus lors de la campagne franco-espagnole du Rif,  et revus  l’année précédente,  alors  que le Maréchal  représentait la France  à notre Ambassade de Madrid.

   Les visées annexionnistes de l’Espagne franquiste, notamment sur  l’Oranie  française , étaient une résurgence  du rêve colonial  se rattachant à ce lointain passé qui vit les troupes du royaume d’Espagne  ,menées  par le  Cardinal  Francisco Cisneros,  fonder à Oran un Préside qui dura de 1509 à 1792, constamment sous la menace ottomane..

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    Une forte immigration  d’origine hispanique ayant constitué la majorité du peuplement de cette province  d’Oran, dès la fin du 19 ème siècle, et bien que  sur deux  générations  l’intégration à la France et aux vertus de la République  ait été effective, le nationalisme espagnol   maintenait  ses prétentions  territoriales avec la même  nostalgie revendicative que le monde Arabe à l’égard de l’Andalousie.

   Pendant la période  qui va du début de la guerre civile espagnole au débarquement des troupes  Alliées  en Afrique du Nord, soit de Juillet 1936 à Novembre 1942, le régime espagnol n’eut de cesse d’envoyer en Oranie des agents  propagandistes  qui ,  sous couvert d’activité sociales ou culturelles, mais  par voie de tracts, de réunions clandestines et de pétitions, prônaient le rattachement à L’Espagne.

    Le rédacteur de  cette  bien modeste  évocation,  qui eut, quinze ans plus tard, à combattre d’autres  ingérences étrangères, a  recueilli, auprès de ses aînés dans  ce Service qui participa à « l’Opération Cisneros », l’écho  de leur lutte contre cet irrédentisme espagnol  d’autant plus  offensif   que la France affaiblie se trouvait inféodée à l’Allemagne nazie.

     Cet épisode  de notre Histoire ne semble pas avoir donné lieu à réflexion  sur ce qu’aurait été  le bouleversement stratégique  si, faisant droit aux exigences du  dictateur espagnol , l’Allemagne avait tenu Gibraltar et  le Maroc,  verrouillant ainsi ce que  dans l’antiquité  on appelait les « Colonnes d’Hercule » et rendant improbable  l’opération  « Torch » qui permit le débarquement des Alliés en Afrique du Nord. C’est à partir de cette  plateforme stratégique que  s’organisera  le Corps expéditionnaire français en Italie(CEF)  opérant sous les ordres du général Juin. Après la Sicile et Naples, en Novembre 1943, le CEF  enchaînera les faits d’armes  glorieux  dont : Monte Cassino, Garigliano, ouvrant aux  Alliés la route vers Rome.

  Après  cette  marche  victorieuse, qui  vaudra à l’armée française la pleine reconnaissance des  Alliés,  et s’inscrira dans l’Histoire, le CEF rejoint l’armée du Général  de Lattre de Tassigny  pour le débarquement en Provence  en août 1944 (Opération Cartoon). Ces troupes valeureuses,  amalgame militaire fait de ceux qu’on appellera plus tard « pieds-noirs », d’ évadés de France  métropolitaine, de goumiers, tirailleurs marocains, algériens, sénégalais, communiant dans un même attachement à la France, permettront,  par leur bravoure, que légitimement , le général de Lattre de Tassigny reçoive avec les Alliées la reddition  de l’Allemagne.

   Pour avoir été concerné par les prétentions  irrédentistes de l’Espagne, le rédacteur de ce survol historique se demande quel aurait été le sort des Français de l’Oranie française  si les troupes  espagnoles, à l’exemple des  Allemands en Alsace-Lorraine, leur  avaient  imposé leur régime et leur culture, étant entendu que l’exode vers la Métropole eut été impossible  dans ce contexte de guerre, en  1940.  Aurions-nous vu le drapeau sang et or se substituer au drapeau tricolore et l’hymne franquiste à la Marseillaise ?….  Aurions-nous eu nos « Malgré-nous » ?

    Dans cette interrogation  qui ne comporte pas de  réponse,  il émerge un souvenir qui témoigne d’une angoisse passée, c’est l’émotion ressentie lorsque notre maître nous lut, en un jour sombre de 1940, ce texte poignant  d’Alphonse   Daudet  « la dernière leçon », qui mettait en scène un instituteur alsacien en 1870  lequel, sur ordre de l’autorité allemande, donnait son dernier cours en Français.

Alfred MARMUS

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