LA CIGOGNE DE LA LÉGION (3/3)

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La seconde partie de cet article nous avait raconté la liaison si particulière entre notre cigogne et un jeune soldat d’origine allemande, cuisinier au Mess. Ainsi naquit…

LA LÉGENDE.

Sur la fin de celle qui aurait dû être une majestueuse hôtesse des nuages, une conquérante de l’azur et qui était réduite à arpenter avec le maintien altier d’un prince en exil, les quelques centaines de mètres-carrés d’un jardin toutefois coquet, aux allées tirées au cordeau, il circula bien des légendes.

La plus touchante et celle où son ami le cuisinier originaire de cette verdoyante Bavière que dès le printemps hantent les cigognes, et qui, dit l’histoire, se voyant refuser en fin de contrat le privilège exorbitant d’emmener dans sa douce patrie son amie la cigogne, à laquelle il était particulièrement attaché, se proposa de reprendre un nouvel engagement pour n’en être pas séparé.

On raconte avec une certaine pudeur, car à la Légion Etrangère on n’aime guère avouer de tendres sentiments, de peur qu’ils n’apparaissent comme des failles du caractère, que le Général GARDY, qui commandait alors nos prestigieux militaires, se laissa attendrir et permit que notre cigogne quitte son enceinte fleurie pour aller en Bavière dans une belle propriété entourée de collines où il lui serait loisible de réapprendre à voler.

Quelques années plus tard le cercle officiers de la Légion connut un moment d’émotion lorsqu’une cigogne vint se percher à l’aplomb des cuisines, regardant vers les jardins avec un intérêt que l’on prit pour de la nostalgie.

Certains prétendent même que c’était un 30 avril* !

Des paris s’ouvrirent entre ceux qui pensaient que c’était là notre cigogne, et qu’elle se trahirait en venant prendre place à son poste pour le défilé prestigieux, et ceux qui ne croyaient pas à son retour. Ces derniers gagnèrent car l’oiseau, qui parut tout de même hésitant durant plus d’une heure, reprit son vol.

On se posera des questions sur l’existence même de cette cigogne. J’affirme l’avoir connue, toutefois pour le reste il faut tenir compte pour apprécier ce récit de ce que 50 ans se sont écoulés et que mon souvenir, que j’ai toujours tenu pour fiable, aura pu se laisser quelque peu séduire par la tentatrice et fantasque imagination.

J’ai quitté notre pays pour aller sous d’autres cieux que les cigognes dédaignent et où l’on fête comme un événement heureux les rares haltes qu’elles font lors de leurs migrations trans-méditerranéennes.

Au jardin de mes souvenirs vit cette cigogne légionnaire qui ne perdait pas de sa dignité même engoncée dans son pull-over militaire, et je caresse toujours le rêve puéril d’une cigogne apprivoisée comme le Renard de Saint-Exupéry.

FIN

Alfred Marmus

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* tous les ans, le 30 avril est un jour à la Légion, date anniversaire  de la bataille de Camerone, le 30 avril 1863, date fondatrice du mythe de la Légion Etrangère.

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